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"L’agrivoltaïsme en Wallonie est une nouvelle menace pour les agriculteurs": les associations se mobilisent

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InfoPar Maïté Warland

Les projets agrivoltaïques se développent en Wallonie. Le principe est d’utiliser des terres agricoles pour y placer des centaines, voir des milliers de panneaux photovoltaïques. Certains agriculteurs décident d’eux-mêmes de faire cohabiter leur élevage avec des panneaux solaires. Mais depuis quelque temps, de nouveaux projets, plus importants, voient le jour et prévoient de ne pas cohabiter mais bien d’installer uniquement ces panneaux sur des champs.

Pour les détracteurs de l’agrivoltaïsme, ce type de projet risque de faire augmenter le prix des terres. Les grands fournisseurs d’énergie pouvant payer bien plus cher que les agriculteurs locaux. C’est en tout cas ce que dénoncent les dizaines de participants à une mobilisation ce mercredi à Aiseau Presles, dans la région de Charleroi. Citoyens, agriculteurs et collectifs d’associations paysannes se sont rassemblés pour marquer leur opposition à un projet d’agrivoltaïsme dans la petite commune rurale sur un champ de 30 hectares ou 20.000 panneaux pourraient être placés prochainement.


"Avec la crise, le secteur agricole voit arriver un prédateur de plus sur ses terres", explique Damien Charles, membre du Réseau de soutien à l’agriculture paysanne (RéSAP). "Les rentes promises par les entreprises énergétiques sont jusqu’à dix fois supérieures à ce que pourrait rapporter une production agricole." Le constat est le même pour les agriculteurs présents à Aiseau Presles. "C’est vraiment important de montrer notre opposition à ce genre de projet et faire prendre conscience aux politiques et à la société des dangers que ces projets peuvent avoir sur le secteur agricole qui est primordial pour notre société" analyse Thomas Huyberechts, chargé de mission politique à la Fugéa. Pour la fédération des agriculteurs, le principal danger est l’accès à la terre pour les agriculteurs et leurs héritiers : "L’augmentation du prix de la terre agricole va pénaliser tout le secteur et tous les agriculteurs et agricultrices. Ce n’est pas qu’un problème agricole, c’est un problème de société. On parle aussi de production d’énergie, on doit faire de la production d’énergie, mais pas au détriment du secteur agricole qui est, comme je le rappelle, primordial aussi pour l’ensemble de la société."

"Des panneaux sur nos hangars pas sur nos hectares !"

© RTBF

Dans la foule et sur les pancartes, une demande : que les panneaux soient placés sur des surfaces déjà bétonnées. "Nous ne sommes pas anti-panneaux", nous explique une manifestante, "mais il faut qu’ils soient placés sur du béton, des parkings, des toits de bâtiments. Pas sur des terres viables qui peuvent aider à nourrir la population."

Thomas Huyberechts confirme : "Il y a beaucoup d’autres endroits où on peut aller mettre des panneaux, des panneaux solaires et donc nous, ce qu’on demande clairement, c’est un moratoire sur les permis agrivoltaïque. C’est-à-dire que tant qu’on n’a pas trouvé des conditions et qu’on n’est pas tous d’accord sur comment on peut les mettre, c’est qu’on interdise clairement les nouveaux permis en Wallonie."

Le gouvernement wallon a sorti, en mars dernier, une circulaire sur le sujet. Contacté, le cabinet du vice-président wallon et ministre de l'Economie Willy Borsus (MR) nous répond : "Ma volonté est bien de conserver le principe consistant à privilégier l’installation photovoltaïque intégrée dans le paysage et qui n’a pas d’impact sur l’occupation du sol. Le développement des installations photovoltaïques en toiture, en élévation, ou encore en couverture de surfaces minéralisées (voirie, parking, espace de stockage, etc.) doit en effet être poursuivi et intensifié, le potentiel disponible étant encore considérable. C’est, pour moi, la voie qu’il faut impérativement privilégier."

Le ministre ajoute : "En outre, la circulaire précise prévoit qu’il est possible d‘utiliser des sites où il est démontré que la qualité agronomique du sol est médiocre. Ceci permettra d’utiliser des espaces impropres à la production agricole tels des parkings, d’anciennes décharges ou d’autres terrains dégradés. En vue de faire face aux défis de la diversification des sources de production d’énergie, il a toutefois été jugé par le gouvernement que l’expérimentation et les investissements innovants peuvent être admis : la circulaire prévoit dès lors une ouverture à des projets pilotes comportant un champ photovoltaïque au sol, développés en lien avec le monde de la recherche et l’innovation. Si ces dispositifs agrivoltaïques répondent potentiellement à une volonté politique de soutenir la production d’énergie renouvelable, ils peuvent également constituer, sous des conditions strictes d’encadrement, des leviers en faveur des agriculteurs."

Même son de cloche du côté du cabinet du ministre de l'Energie et des Infrastructures Philippe Henry (Ecolo) : "Le gouvernement wallon opte pour équiper des surfaces déjà artificialisées ou les toits des bâtiments existants, pas pour des champs de panneaux".

Les prix étaient déjà inaccessibles pour des agricultrices ou des agriculteurs. Ils le sont encore plus maintenant et la situation est catastrophique.

Pour les associations, ce n’est pas suffisant : "La réalité nous montre que non. Parce que les prix des terres agricoles continuent à exploser : entre 2017 et 2022, on parle d’une augmentation de plus de 30%", explique Damien Charles, "les prix étaient déjà inaccessibles pour des agricultrices ou des agriculteurs. Ils le sont encore plus maintenant et la situation est catastrophique. On a une population agricole vieillissante et des personnes veulent reprendre ces terres mais ne peuvent financièrement pas se le permettre. Alors aujourd’hui, on se rassemble à Aiseau-Presles parce qu’on pense que c’est un projet sur lequel on peut gagner. La commune s’oppose à ce projet et en période électorale, qui sait, peut-être que la voix des agricultrices, des agriculteurs, des organisations de la société civile pourra être entendue et préserver ces 30 hectares de terres agricoles menacées."

Les manifestants d’aujourd’hui attendent plus qu’une circulaire pour les rassurer : "Une de nos revendications principales, c’est justement que la Région wallonne régule ce marché, se dote des outils nécessaires pour que la terre soit avant tout réservée aux personnes qui produisent notre nourriture. Dans les circulaires émises par le gouvernement wallon, en effet, il y a une position générale contre. Mais il y a des exceptions et on voit que malheureusement, de nombreux projets tombent dans ces exceptions parce que concrètement, on voit les autorisations se multiplier, donc ce n’est pas suffisant pour nous. Il est urgent de réguler le marché foncier agricole."

La commune d’Aiseau-Presles a déjà annoncé aller contre ce projet de 20.000 panneaux photovoltaïques, les personnes mobilisées espèrent que le gouvernement wallon bloquera le projet.

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