Belgique

L’agonie silencieuse des centres d’archives privées en Fédération Wallonie-Bruxelles

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InfoPar Thomas Destreille avec Thierry Vangulick

Véritables lieux de conservation et de valorisation d’un patrimoine bien souvent riche et diversifié, les centres d’archives privées doivent se réinventer chaque jour et font aujourd’hui preuve de résilience face à un avenir toujours plus menacé, faute de subventions suffisantes.

Face à cette situation, une lettre ouverte, à destination du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, a été rédigée par l’Association des Archivistes Francophones de Belgique (AAFB). Avec un seul message : alerter sur la situation financière de plus en plus compliquée des centres d’archives privées reconnus par la FWB.

Des documents exceptionnels

Le secteur des archives privées indique assurer "l’accompagnement et l’encadrement des centres d’archives privées reconnus ou qui souhaitent l’être". "Ce sont en fait des archives d’associations, d’ASBL, de pans de la société ou de certaines personnes qui ont eu un rayonnement en Fédération Wallonie-Bruxelles", détaille Sarah Lessire, Coordinatrice de l’AAFB. "Ce sont des archives très riches car on parle de toute activité humaine et donc de sujets très diversifiés".

Un riche patrimoine documentaire donc, qui prend logiquement une certaine place : "Si l’on compile toutes nos archives les unes après les autres, on rassemble plus de 3500 mètres linéaires d’archives", sourit Isabelle Sirjacobs, Directrice du centre d’archives SAICOM (Sauvegarde des Archives Industrielles, Commerciales, Ouvrières et Minières), situé sur le site du Bois-du-Luc à La Louvière.

Fédération Wallonie-Bruxelles : Les centres d archives privées à l agonie

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Des conditions difficiles

À l’heure où les ASBL bouclent généralement leur budget, les centres d’archives privées craignent désormais de ne plus être en mesure d’accomplir leurs missions. "Nous avons des espaces de conservation qui sont limités", explique Sarah Lessire. "On ne peut plus accueillir d’archives dans de bonnes conditions". Un constat partagé par Ludo Bettens, directeur de IHOES, l’Institut d’histoire ouvrière, économique et sociale, situé à Jemeppe-sur-Meuse, en région liégeoise : "Nos archives sont conservées de manière correcte mais pas idéale. À terme, elles pourraient être menacées si les moyens dévolus au centre d’archives ne sont pas augmentés".

Ces dernières années, le secteur a dû faire face à l’inflation particulièrement forte des coûts de l’énergie, ainsi qu’à plusieurs indexations salariales (six en 2022). Le tout, sans aucune indexation de leurs subventions. En cause, le décret de 2004 encadrant le secteur, qui ne prévoyait pas l’indexation automatique des subventions, comme c’est normalement le cas pour la plupart des secteurs de la culture. "C’est par exemple difficile d’accueillir des étudiants et d'ainsi mener notre mission à bien", explique Micheline Zanatta, Présidente de l’IHOES : "Nos locaux ne sont pas adaptés. Ils nous ont été prêtés en attendant des locaux qui ne sont en fait jamais arrivés".

Les archivistes ont souvent différentes casquettes et doivent se réinventer chaque jour

(Sarah Lessire, AAFB)

Une situation qui a toutefois poussé la FWB à réagir, en décembre 2022. Une subvention a alors été octroyée exceptionnellement aux opérateurs qui ne bénéficient pas d’une indexation automatique (dont les centres d’archives privées), afin d'aider le secteur face aux difficultés liées à la hausse des prix des coûts énergétiques.

Si cette subvention a été une bouffée d’air frais, elle n’en reste pas moins une aide ponctuelle, qui ne permet pas de garantir à long terme les financements nécessaires au fonctionnement des centres d’archives privées. Un constat qui inquiète Sarah Lessire : "Les archivistes ont souvent différentes casquettes et doivent se réinventer chaque jour pour faire face à cette situation financière difficile". Micheline Zanatta abonde elle aussi dans le même sens : "C’est vrai que le personnel est souvent mis à toutes les sauces".

En 2024, la subvention des centres retombera à son montant antérieur, sans plus aucune prise en compte des indexations exceptionnelles de ces dernières années.

"On interpelle la ministre pour une aide ponctuelle de 600.000 euros pour cette année 2024, qui risque d’être compliquée", détaille Sarah Lessire. Un chiffre légèrement supérieur au montant des indexations salariales depuis 2019.

Un avenir incertain

Et la situation n’est guère plus réjouissante pour 2025. Les renouvellements de reconnaissances des centres d’archives privées dans le cadre du nouveau décret seront effectifs à partir du 1er janvier 2025. Conformément à ce décret, les centres d’archives privées doivent rendre leur dossier pour le 31 mars 2024 au plus tard.

Or, au vu du calendrier électoral et du manque de perspective budgétaire de l’actuelle ministre de la Culture, les centres sont dans la crainte de devoir attendre jusqu’au printemps 2025 pour obtenir une réponse sur leur nouvelle reconnaissance et donc sur le montant de leur subvention. Une situation qui pourrait dès lors mettre en péril le paiement des salaires et des coûts de fonctionnement et d’activités des centres d’archives privées.

Pour l’AAFB, le nouveau décret "Archives d’intérêt patrimonial" doit nécessairement s’accompagner d’une revalorisation de leur enveloppe budgétaire. Pour soit "reconnaître de nouvelles institutions, soit étendre le champ d’action et les moyens des institutions existantes", et ainsi permettre d'accueillir toujours plus d’archives… Indispensables à la connaissance de notre histoire.

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