Hainaut

Recycler les vieilles pales d’éoliennes dans nos routes : une solution qui séduit des industriels wallons

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Par Denis Vanderbrugge

Jusqu’ici les pales en fin de vie, contrairement au reste de l’éolienne, ne sont pas recyclées. Elles sont plutôt incinérées, voire dans certains cas enfouies dans le sol. Pendant deux ans et demi, les chercheurs du Centre Terre et Pierre à Tournai ont donc travaillé sur un procédé permettant d’intégrer au béton les fibres de verre présentes dans les pales d’éoliennes. Recypale, c’est le nom du projet, apporte une solution qui pourrait changer la donne.

"Une pale d’éolienne a une durée de vie d’une vingtaine d’années, explique Stéphane Neirynck, le directeur du Centre Terre et Pierre. On sait donc aujourd’hui que le gisement de pales à recycler va augmenter de manière exponentielle. On parle de plusieurs centaines de milliers de tonnes en Europe du Nord-Ouest qui arriveront en fin de vie d’ici 2030, 2040. Il s’agissait donc de faire de ce problème une opportunité. En anticipant, nous pourrions être en mesure de capter le gisement de pales et d’en faire une opportunité industrielle."

Stéphane Neirynck, le directeur du Centre Terre et Pierre, et Jean-Michel Clanet, chercheur.
Stéphane Neirynck, le directeur du Centre Terre et Pierre, et Jean-Michel Clanet, chercheur. © RTBF

Des morceaux de pales dans les barrières d’autoroute ?

Dans les vastes bâtiments du centre "Terre et Pierre", les tapis roulants amènent des petits morceaux de pale d’éolienne dans les broyeurs. Les différents composants sont triés. "Il y a des matériaux de garnissage comme du bois et de la mousse, on trouve aussi des matériaux métalliques comme de l’aluminium qui sert de protection contre la foudre, nous détaille Jean-Michel Clanet, l’un des chercheurs. Une fois que tous ces éléments sont enlevés, il reste le composite en fibres de verre."

Ce sont ces fibres de verre, qui ont l’apparence d’aiguilles à la sortie des broyeurs, que le centre Terre et Pierre a cherché à valoriser dans le béton. "Ces fibres vont renforcer les propriétés du béton, notamment à la flexion, reprend Stéphane Neirynck, le directeur du Centre Terre et Pierre. Cela est intéressant pour des applications spécifiques, comme par exemple les barrières d’autoroute où on a besoin d’une certaine flexibilité du béton pour absorber un choc avec une voiture. Avec ce procédé on augmente d’une vingtaine de pour cent les propriétés du béton."

Selon le centre Terre et Pierre, au décompte total, on parviendrait ainsi à recycler 90% de la pale d’éolienne. Pour le directeur Stéphane Neirynck, la solution développée par le projet Recypale pourrait séduire le secteur éolien, l’argument des pales non recyclées étant régulièrement utilisé par les opposants. "On a parfois vu des photos de cimentières de pales d’éoliennes enterrées dans le sol. Il s’agit pour le secteur éolien d’avoir une solution pour le recyclage de l’ensemble des composants de l’éolienne."

Des industriels très intéressés

Le Groupe Dufour déjà actif dans le montage et démontage des éoliennes fait partie des industriels intéressés par le projet Recypale.
Le Groupe Dufour déjà actif dans le montage et démontage des éoliennes fait partie des industriels intéressés par le projet Recypale. © RTBF

Le projet Recypale a déjà séduit deux industriels wallons qui ont participé au financement des recherches. D’un côté l’entreprise Wanty y voit une opportunité pour le béton, de l’autre le Groupe Dufour, déjà actif dans le montage et démontage des éoliennes, se verrait bien créer la première usine de recyclage des pales d’éoliennes. Son patron est prêt à se lancer, il a même déjà prévu une petite place dans le tout grand centre de recyclage de l’entreprise dans le zoning de Tournai-Ouest.

Mais avant d’investir, il reste des obstacles à lever. "Le secteur éolien doit s’organiser, il faudra peut-être aussi revoir la réglementation pour envoyer ces pales vers le recyclage", explique Frédéric Dufour, l’administrateur délégué du groupe Dufour. Pour lancer cette filière, il faut en effet garantir une certaine quantité de pales à l’usine. Les estimations parlent de 10 mille tonnes par an. Si le Groupe Dufour choisit de se lancer, il devra donc également capter les éoliennes dans les pays voisins.

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