Le Tournai d'avant: de l'eau à la maison, en payant

La ville compte de plus en plus d'habitants et d'industries, la nappe phréatique commence à être polluée. Et les puits, au XIXe siècle, ne remontent qu'une eau saumâtre, jaunâtre. Il faut donc agir.

Étienne Boussemart

Le cas de Tournai n'est pas unique. Les chroniques de l'époque estiment toutes que "la nécessité d'un réseau public d'eau potable devient crucial car dès 1848 apparaît la notion de salubrité publique après diverses épidémies telles que choléra ou variole, qui ont ravagé les populations". Le principe est admis. Il reste à estimer les coûts, les moyens techniques et les sources d'eau potable à exploiter.

 L'usine des eaux rue de la Madeleine (de Troyes).
L'usine des eaux rue de la Madeleine (de Troyes). ©EdA

Un chantier gigantesque

Les défis sont immenses. Les autorités communales doivent se résoudre à ouvrir les rues afin d'y loger les canalisations et s'assurer de la qualité de l'eau. Déjà avant 1895, et donc les travaux réels, une analyse des eaux des forages prévus au bas du boulevard Léopold est effectuée par deux chimistes qui en concluent "que l'eau est dure (calcaire) mais propre à la consommation, sans trop d'agents pathogènes". Mais l'Institut bactériologique de Mons affirme le contraire. Discussions, retards, jusqu'à la finalité : "l'eau est pure si elle est tirée à 50 ou 70 mètres de profondeur".

En simplifiant le côté technique et étant donné que le liquide devra couler librement dans chaque habitation, on prévoit "une conduite maîtresse de refoulement partant de l'usine des eaux vers le point culminant proche, le Pic au Vent ; de là, l'eau sera amenée à la Porte St-Martin par une conduite primaire, laquelle sera raccordée à celles des quartiers (secondaires), et puis elles-mêmes vers les auxiliaires dans les rues".

 Des pompes aspirent l'eau avant de la refouler vers la conduite maîtresse.
Des pompes aspirent l'eau avant de la refouler vers la conduite maîtresse. ©EdA

Le site de l'Usine des eaux se trouve en bas du boulevard Léopold (plus tard le Casino et à ce jour immeuble à appartements). Elle est construite par l'entreprise Lemaine en 1904. La Province a "r efusé tout subside car l'eau ne sera pas distribuée gratuitement par bornes-fontaines et que la Ville n'a pas suivi les directives légales lors des adjudications". Bagarre de mots, de rectificatifs (les cent premiers litres sont gratuits et la Députation permanente a donné son accord) avant un modus vivendi et l'achèvement de l'usine où pompes et machines s'apprêtent à remonter l'Or Bleu depuis les deux puits du boulevard Léopold (8 à 90 m3/heure) et celui d'Ere (100m3/heure) qui seront complétés par le forage de l'avenue de Maire.

Évaluation des dépenses en 1902: 1.320.000 francs.

 Le princes Albert et la princesse Elisabeth ont visité brièvement la cathédrale.
Le princes Albert et la princesse Elisabeth ont visité brièvement la cathédrale. ©E

Ah bon, il faut payer ?

Ces dépenses sont évidemment répercutées chez les utilisateurs où des compteurs de 10 à 30mm (selon les besoins estimés) mesurent la quantité d'eau consommée. Les premiers cent litres sont bien gratuits mais ensuite trois centimes/hectolitre sont à charge du consommateur qui doit en sus s'acquitter d'un abonnement annuel de huit à quinze francs.

 La salle des vannes, impressionnante de puissance.
La salle des vannes, impressionnante de puissance. ©EdA

Les Tournaisiens hésitent, il n'y a encore que 745 raccordements avec une consommation de 120.000 m3 au départ ; en 1928, ils sont 6891 avec 963.000 m3 utilisés. Le rythme de croissance des nouveaux abonnés de 150/an démontre que les Tournaisiens ont choisi l'hygiène et la facilité.

Les travaux essentiels sont achevés en mars 1905. Une performance assurément pour l'époque.

Le 21 mai 1905 sera jour de fête pour Tournai. Le parc communal en sera le théâtre avec, pour anoblir le spectacle, la présence de deux bassins d'où jaillissent des jolies cascades.

 Calèche de LL AA RR Albert et Elisabeth rue Royale.
Calèche de LL AA RR Albert et Elisabeth rue Royale. ©EdA

Ces bassins sont dus à la générosité du bourgmestre Victor Carbonnelle qui, le 11 mai, confirme "l'offre faite verbalement de prendre en charge les frais de construction de deux bassins sur les plans de l'ingénieur Degeynst montrant ainsi ma satisfaction d'inaugurer la distribution d'eau".

 Le parc et ses jets d'eaux pour un jour de fête... et de modernité.
Le parc et ses jets d'eaux pour un jour de fête... et de modernité. ©EdA

A 18h15, LL. AA. RR. Les prince et princesse Albert et Élisabeth ouvrent la vanne et la ville voit se profiler un plus bel avenir.

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